En passant de sédentaire à nomade, l’humanité a façonné son histoire à travers son rapport à la mobilité. Cette mobilité nait de la manière dont nous avons structuré nos villes et notre territoire : nous ne vivons pas forcément là où nous travaillons, où nous consommons, où nous nous divertissons... Le voyage répond également à notre soif d’ailleurs et de découverte. A l’heure où l’humanité s’interroge sur ses choix pour assurer la pérennité d’un nouveau modèle, il est nécessaire de comprendre les différentes forces qui ont prévalu pour organiser la mobilité du 20e siècle, afin de mieux envisager celle qui pourra se dessiner dans notre futur. En fonction de l’évolution de chacun des facteurs suivants, les scenarii pour la mobilité du futur seront différents.
« Nos amis Hollandais ont une culture du vélo qui est super... Mais quand on arrive dans Amsterdam par exemple, c'est chaos :) »
Kevin/ 29 ans, ville de Croix (59) en couple dans une maison / Multimodal
• La culture : La France cultive son goût pour la mobilité et l’innovation depuis de nombreuses années. Le Grand Palais, construit à Paris pour l’Exposition universelle de 1900, a hébergé le salon de l’auto pendant 60 ans, devenant au passage une manifestation emblématique de ce lieu. Si le métro de Paris est le plus dense au monde, alors qu’historiquement la ville de Londres avait initié la démarche avant la France, c’est probablement le résultat d’un engouement également né lors de cette même exposition universelle, puis entretenu par des choix esthétiques, industriels ou pragmatiques de la RATP qui œuvre depuis plus de 70 ans. Le métro est aujourd’hui indissociable de l’image de Paris, autant que les vélos le sont d’Amsterdam. La pratique du vélo aux Pays-Bas est devenue un art de vivre sous l’impulsion de la famille royale à la fin du XIXe siècle, mais c’est surtout lors du blocus sur l’essence pendant la Première Guerre mondiale que la petite reine est devenue une culture locale. A noter que Paris serait tout de même aujourd’hui la 8e ville la plus accueillante au monde pour les vélos !
• L’urbanisme : Les villes modernes ont été imaginées pour donner accès à l’éducation ou à la santé au plus grand nombre grâce à la mobilité offerte par la voiture. Le commerce s’est organisé autour des axes offrant le meilleur trafic et donc la meilleure exposition. Le Baron Haussmann et Napoléon n’avaient qu’un maitre mot en tête : « la circulation ». L’éclatement spatial des fonctions de la ville a ensuite été accéléré par les progrès l’automobile. A tel point qu’il devient très difficile d’inventer une nouvelle logique urbaine, une planification et de grands chantiers qui seraient favorables à la métropolisation.
• Les infrastructures : Les problématiques de mobilité dépassent largement la logique urbaine. L’organisation même de notre territoire s’est faite sur une logique de mobilité, puisque le découpage des départements a été fait de manière à ce qu'il soit possible de se rendre au chef-lieu en moins d'une journée de cheval. L’histoire de nos infrastructures est émaillée de choix de l’Etat pour désenclaver les territoires, de complémentarité entre les routes, le chemin de fer, les voies navigables… Par exemple, à mi-chemin entre la culture et l’infrastructure, l’histoire de la Nationale 7 a ainsi durablement marqué l’histoire des Français et celle de l’automobile. Ces choix restent au cœur du débat moderne avec les arbitrages à opérer pour que la mobilité dans les zones rurales ne soit pas un facteur discriminant.
• La loi : Vitesse de déplacement sur les grands axes, réforme du système ferroviaire, restrictions de circulation, loi d’organisation des mobilités (dite loi LOM)… Le droit à la mobilité est au cœur de la promesse républicaine ! Toutefois, la politique des transports ne semble plus adaptée aux réalités du pays, aux besoins et aux attentes des citoyens, notamment ceux les plus éloignés des grandes métropoles. La loi pourra donc redéfinir certains éléments du cadre de mobilité pour demain.
• La croissance démographique et la concentration urbaine : Nous étions un milliard sur la planète en 1800, plus de 7 milliards aujourd’hui, 10 milliards en 2050. Dans le même temps, cette population se concentre de plus en plus en milieu urbain : depuis 2007, plus de la moitié de l’humanité vit en ville, et cette proportion continue de croitre. Nous serons environ 70% en 2050, pour certains concentrés dans des « mégapoles » de plusieurs dizaines de millions d’habitants. En 2100, 13 villes africaines dépasseront New York en population, sans parler de l’Asie. Ces mégapoles s’étalant sur des surfaces grandes comme 20 fois Paris devront réinventer la mobilité individuelle et collective.
« Je pense que la fatigue qu'engendre le cumul des transports au quotidien pourrait être compensée par 1 jour de télétravail dans la semaine »
Sabrina / RH, 35 ans, Noisiel (77) en couple avec enfant, en appartement / tributaire des transports
• L’emploi et les loisirs : La concentration de l'emploi dans les aires urbaines se double d'un mouvement fort de périurbanisation de la population depuis plusieurs décennies. Le coronavirus accélère la question de la mobilité domicile travail, si un nombre de salariés du tertiaire devaient télétravailler durablement. Il en va de même pour le commerce ou les loisirs, la pandémie ayant sensiblement accéléré le e-commerce et les loisirs connectés à domicile, comme Netflix ou les jeux vidéo. Ces comportements seront-ils durables ?